L’arrêt Terre-Neuve (Conseil du Trésor) c. N.A.P.E. porte essentiellement sur des questions d’argent et pose la question suivante : est-il juste de pénaliser les travailleuses pour réduire un déficit ?
En 1991, le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador a décidé de renier ses obligations en matière d’équité salariale à l’égard des femmes sous prétexte que la province était confrontée à un lourd déficit.
La Cour suprême du Canada a jugé qu’en temps normal, de simples considérations budgétaires ne sauraient à elles seules permettre aux gouvernements de violer les droits à l’égalité. La Cour suprême a toutefois décidé qu’en l’espèce, il s’agissait d’une situation exceptionnelle à cause de la « crise fiscale ».
Le jugement du Tribunal des femmes du Canada remet en question l’utilisation des considérations financières pour justifier une violation des droits à l’égalité, l’existence même d’une crise fiscale ainsi que l’absence de solutions de rechange à la position adoptée par le gouvernement de Terre-Neuve.
Dans l’arrét Terre-Neuve (Conseil du Trésor) c. N.A.P.E., le Tribunal des Femmes du Canada infirme la décision de 2004 de la Cour suprême du Canada qui a jugé justifiable au regard de l’article premier, la décision du gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador d’annuler ses obligations en matière d’équité salariale à l’égard des femmes, aux termes de la Public Sector Restraint Act, violant ainsi les droits de ces femmes à l’égalité. Le Tribunal des Femmes du Canada estime qu’il faut procéder à un compte rendu complet et substantif de la violation des droits à l’égalité en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés, afin de permettre une analyse plus exhaustive des arguments utilisés pour justifier l’empiétement sur ces droits à l’égalité. Un examen des questions d’égalité soulevées par l’affaire N.A.P.E. comprend l’historique de la discrimination salariale fondée sur le sexe ainsi que de l’équité salariale comme solution juridique à ce problème. Sur cette toile de fond, le Tribunal des Femmes du Canada juge que le refus de respecter l’équité salariale a provoqué un préjudice matériel et symbolique tout en violant manifestement les droits des femmes à l’égalité substantive. Une analyse des principes de droit international en matière d’équité salariale révèle que la Public Sector Restraint Act contrevient aussi à ces normes internationales. Dans l’application de l’article premier, le Tribunal des Femmes du Canada examine le concept de la démocratie substantive comme contrepartie de l’égalité substantive et juge qu’il faut interpréter l’article premier de manière à éviter les conflits entre les droits et la démocratie. Le Tribunal estime que des considérations fiscales ne doivent jamais suffire comme motif important et urgent pour enfreindre les droits à l’égalité et que, de toute manière, le gouvernement ne s’est pas acquitté de sa charge de preuve en démontrant qu’il y avait, de fait, une crise fiscale. Le gouvernement n’a pas réussi non plus à s’acquitter du fardeau de la preuve aux stades de l’atteinte minimale et de la proportionnalité dans l’analyse en vertu de l’article premier, une conclusion qu’appuie le droit international. Le Tribunal des Femmes du Canada ordonne au gouvernement de respecter ses obligations en matière d’équité salariale à l’égard des femmes représentées par le syndicat N.A.P.E.