La décision du Tribunal de l’enfance en difficulté de l’Ontario confirmant le placement d’une enfant atteinte de déficience physique dans une classe d’éducation spéciale, et ce, contrairement aux souhaits de ses parents, viole-t-elle les droits à l’égalité de l’enfant?
La Cour suprême du Canada a jugé que l’exclusion de l’enfant d’une classe intégrée par le Conseil scolaire était dans le meilleur intérêt de l’enfant.
Au contraire, le Tribunal des femmes du Canada estime que la défense du « meilleur intérêt » ne concorde pas avec la notion d’égalité. En rejetant la notion d’une présomption constitutionnelle en faveur de l’intégration, incluant l’aide nécessaire dans ce contexte, la Cour suprême a été plus préoccupée par les intérêts des enfants non handicapés que des enfants atteints de déficiences.
Dans l’arrêt Conseil scolaire du comtéde Brant c. Eaton, le Tribunal des Femmes du Canada infirme la décision de 1997 par laquelle la Cour suprême du Canada a rejeté la notion d’une présomption en faveur du placement d’enfants atteints de déficiences physiques dans des classes régulières plutôt que dans des classes pour élèves en difficulté. Le Tribunal des Femmes du Canada estime que la Cour suprême a fondé l’essentiel de sa conclusion sur la théorie du « separate but equal », c’est-à-dire de l’égalité atteinte au moyen de traitements distincts, même si la Cour n’a pas invoqué directement cette théorie. D’après le Tribunal des Femmes du Canada, le rejet par la Cour suprême d’une présomption constitutionnelle en faveur de l’intégration équivaut à l’adoption d’une hiérarchie de la différence, ce qui contredit la garantie d’égalité prévue à l’article 15 de la Charte. Le Tribunal des Femmes du Canada juge que la reconnaissance d’une présomption constitutionnelle d’intégration scolaire des enfants atteints de déficiences physiques est nécessaire pour deux raisons. Premièrement, cette présomption s’impose pour neutraliser les séquelles du passé en vertu desquelles la ségrégation emporte la connotation d’un statut inférieur. Deuxièmement, cette présomption constitutionnelle d’intégration est essentielle pour contraindre l’État à prendre les mesures nécessaires pour que le milieu scolaire soit vraiment inclusif et qu’il réponde à divers besoins. Cette charge de la preuve force l’État à démontrer les conditions et circonstances spécifiques qui font en sorte qu’un milieu scolaire intégré n’est pas dans le meilleur intérêt des enfants atteints de déficiences et à justifier son opinion au regard de l’article premier de la Charte. Il en est de même dans tous les cas où l’on cherche à imposer l’éducation ségréguée ou spéciale, puisque l’article 15 exige en soi l’intégration scolaire. Le Tribunal des Femmes du Canada juge donc que l’article 15 a été violé dans le cas sous étude. Cela dit, il n’est nul besoin de procéder à l’analyse selon l’article premier dans la présente affaire.