Law c. Canada

L’affaire Law c. Canada soulève des questions d’égalité entre les sexes dans un jugement décidé, à l’origine, en fonction d’autres motifs. Madame Law a contesté la disposition du Régime de pensions du Canada (RPC) limitant aux personnes âgées de plus de 35 ans l’admissibilité à la pension de la survivante (ou du survivant) à la suite du décès d’un conjoint ayant contribué à ce régime. Par le fait même, le RPC refusait toute indemnité à la conjointe survivante âgée de moins de 35 ans dans la mesure où celle-ci n’avait aucune personne à charge.

En reconnaissant la constitutionalité de cette exclusion en fonction de l’âge, la Cour suprême n’a pas tenu compte du programme dans son ensemble, ni des effets de ce dernier. Puisque le groupe des conjoints survivants, toutes catégories d’âge confondues, se compose majoritairement de femmes, le refus de toute indemnité à un sous-groupe de conjoints survivants définis par leur âge affecte principalement les femmes.

Le Tribunal des femmes est d’avis que traiter les femmes comme les hommes constitue une erreur d’application des principes de l’égalité. En effet, la Cour suprême n’a pas pris en compte le fait que les couples mariés tendent à prendre des décisions de vie qui désavantagent financièrement la partenaire féminine. Et la Cour n’a pas non plus tenu compte de la triste réalité qui fait en sorte que les femmes font encore face à beaucoup plus d’obstacles que les hommes dans le milieu du travail.

Sommaire

Le jugement du Tribunal des Femmes du Canada dans l’arrêt Law c. Canada (Ministre de l’emploi et de l’immigration) retrace l’émergence de la notion de dignité humaine comme pierre angulaire de l’article 15 et passe en revue les facteurs pertinents pour conclure à une violation de cette dignité, énoncés dans la décision Law de 1999 de la Cour suprême du Canada. Ces facteurs sont réinterprétés pour indiquer trois formes d’indignités que peuvent infliger une loi ou une politique: d’abord, fonder la loi ou la politique sur des préjugés; ensuite, utiliser des stéréotypes et enfin, exclure de l’accès à des bénéfices constitutifs de dignité. En analysant la disposition du Régime de pensions du Canada (RPC) limitant aux personnes â gées de plus de 35 ans, l’admissibilité à la pension de la survivante ou du survivant à la suite du décès d’un conjoint ayant contribué à ce régime, le Tribunal des Femmes est d’avis que les tribunaux inférieurs ont erré en traitant exclusivement des différences relatives à l’âge et que leurs jugements peignent, en conséquence, un tableau incomplet du programme et de sa raison d’être. En effet, la vaste majorité des récipiendaires de ces pensions sont des femmes. Cette partie du RPC ne peut se comprendre ni s’évaluer en occultant cette réalité de genre. Refuser toute aide aux personnes qui ont moins que l’â ge prescrit a un impact disproportionné à l’égard des femmes de ce groupe d’â ge. De plus, présumer que la perte d’un-e conjoint-e par des personnes plus jeunes ne crée aucune difficulté financière, même à court terme, c’est entériner une norme masculine, en vertu de laquelle la conjointe typique plus jeune est une personne employée et entièrement autonome. É tant donné les obstacles que rencontrent typiquement les femmes dans leurs efforts pour assurer leur autosuffisance, le bouleversement financier provoqué par le décès du conjoint peut facilement être sérieux au point de porter atteinte à leur aptitude à vivre avec dignité et à participer pleinement à la société. C’est pourquoi le Tribunal des Femmes du Canada juge que les dispositions relatives aux pensions pour conjoint-e survivant-e sont discriminatoires quant au sexe et quant à l’â ge. La loi ne peut être sauvegardée par l’article premier, eu égard aux arguments présentés devant les tribunaux inférieurs.

L'arrêt